Lundi 18 juillet 2016, notre collectif Fraternité Rroms et nos ami-es de Médecins du Monde étaient reçu-es en sous-préfecture de Lens, par le secrétaire général de la sous-préfecture, et le représentant de la DDCS (Cohésion sociale).
C’est nous qui avions demandé ce rendez-vous, pour exprimer notre indignation devant les expulsions larvées dont sont victimes nos ami-es Rroms.
Pour expliquer ce qu’est une expulsion larvée, rien de tel qu’un exemple concret : le camp rrom de Montigny-en-Gohelle / Hénin-Beaumont est le plus grand camp rrom sur le bassin minier. Les familles rroms y sont installées depuis de très nombreuses années, et les militant-es de Fraternité Rroms et de Médecins du Monde y interviennent très régulièrement. Le propriétaire du terrain (un privé qu’on ne connait pas) se décide à récupérer son terrain pour y construire… des logements privés… et demande donc l’expulsion du camp, en juin 2016. Et oui, sous notre beau régime de la propriété privée, il est possible de faire une opération immobilière en expulsant des familles !
L’expulsion est donc imminente, en juin 2016. Il se dit que, dès le lendemain de l’euro de foot, l’affaire sera pliée.
Ceci étant, expulser près de 200 personnes, ça n’est pas rien ! Ce n’est pas que les forces de l’ordre se laissent attendrir, mais, si on peut éviter une publicité désagréable, ce n’est pas de refus…
C’est ainsi que se met en place une expulsion larvée, pernicieuse, une expulsion qui ne dit pas son nom : les forces de l’ordre se mettent à passer sur le camp, avec des huissiers… On frappe à chaque caravane, on prévient… gentiment mais fermement… on intimide un peu… Et puis, les familles Rroms savent malheureusement ce qu’est une expulsion, ça laisse des traces dans sa chair et dans son mental… c’est violent, il y a de la casse, et puis des humiliations…..
Alors, sans attendre le jour fatidique, les familles partent, une par une, parfois en groupe… Elles rejoignent un autre camp, ou bien elles ouvrent un squat… Et l’expulsion n’a pas lieu, puisqu’il n’y a plus personne à expulser…
C’est donc pour exprimer notre indignation que nous avions demandé ce rendez-vous en sous-préfecture.
Disons le d’emblée, le secrétaire général de la sous-préfecture et son personnel sont des personnes très professionnelles, très polies :
- Nous appliquons les décisions de justice par rapport aux expulsions et aux occupations illégales;
- le camp a été l’objet d’un diagnostique préalable, conformément à la loi : toutes les familles ont été rencontrées;
- des hébergements d’urgence ont même été identifiés;
- nous souhaitons insérer des familles qui y seraient favorables;(rappelons la réalité dérisoire des chiffres : ces 5 dernières années, seules 3 familles ont été intégrées dans de l’habitat diffus !)
- nous respectons le point de vue militant, mais, du point de vue de la loi, ça ne tient pas;
- le contexte est compliqué, concernant les élu-es du territoire; il n’y a pas de volonté politique au niveau de la CALL et de la CAHC, ne serait-ce que concernant les gens du voyage… alors, concernant les Rroms… !!
- il n’y aura pas d’autres intégrations de rroms dans de l’habitat diffus dans les semaines et les mois à venir;
Et puis, tout en fin d’entretien, la sous-préfecture nous tend des perches :
- C’est vrai que nous représentons l’état, et que les logiques de l’état et de Fraternité Rroms et Médecins du Monde sont des logiques qui s’opposent;
- mais, nous pourrions améliorer notre dialogue; par exemple, après l’été, pour envisager comment et à quelles conditions nous pourrions travailler ensemble;
- un partenariat pourrait même être possible à condition que Fraternité Rroms et Médecins du monde abandonnent certaines postures, notamment concernant les expulsions : si Fraternité Rroms et Médecins du Monde poursuivent leurs initiatives contre les expulsions, le partenariat n’est pas possible;
- même le slogan « pas d’expulsion sans solution » ne peut être recevable, de la part de nos partenaires.
Rassurons tout de suite nos interlocuteurs : Fraternité Rroms reste opposé à toute expulsion
À noter : dès le lendemain de cette rencontre, une famille Rrom était expulsée (voir notre article à ce sujet) de son squat, à Sallaumines. Le secrétaire général de la sous-préfecture ne nous en a pas touché un mot… Sans doute pour ne pas compromettre les chances de partenariat ! ….